Ce jeudi 10 octobre, les députés européens ont largement rejeté la candidature de Sylvie Goulard, candidate du Gouvernement français à la Commission européenne. Cette dernière est visée par la justice française et l’Office de lutte anti-fraude de l’Union européenne (OLAF) pour l’affaire des emplois fictifs du MoDem qui avaient déjà provoqué son départ précipité du Gouvernement en juin 2017. Ses liens avec un lobby financier états-unien, rémunérés à hauteur de 350 000€ entre 2013 et 2016, ont aussi aiguisé la méfiance des eurodéputés.
C’était clair depuis de nombreux mois maintenant : derrière la verve du discours de la Sorbonne, la vision macronienne de l’Union européenne ne dépasse pas celle d’une gigantesque technostructure où l’on peut aisément recaser ses ami.e.s inavouables. Cela transparaissait déjà dans la nomination de Nathalie Loiseau comme tête de liste LREM aux élections de mai dernier, ou lors du sabordage en règle du système des spitzenkandidaten par le Président de la République. Mais cette fois-ci, il semblerait que ce dernier ait été surpris par l’existence d’une vie démocratique au sein du Parlement européen.
La leçon de démocratie s’accompagne d’une humiliation en règle pour la France qui échoue dans son coup de force au prix de son influence à Bruxelles : c’est la première fois que le candidat français est recalé par le Parlement européen.
Au-delà de ce camouflet, le Parlement européen nous force à une légitime interrogation sur la vision jupitérienne des institutions, tant françaises qu’européennes.
Sur le plan hexagonal tout d’abord, le contre-pouvoir détenu par le Parlement européen renvoie une image particulièrement atrophiée de notre propre corps législatif national dont le rôle de contrôle sur l’Éxécutif est réduit au minimum. La forme hyper-centralisée et personnifiée de l’État a vécu, elle sert désormais de repoussoir et symbolise tout ce que rejettent les différents mouvements sociaux depuis deux ans : déconnexion des élites, centralisation de la décision publique, perte de moyens au niveau local, manque de représentativité des élus.
Sur le plan européen ensuite : malheureusement, afficher des drapeaux étoilés en meeting ne suffit pas à acquérir une crédibilité politique à Bruxelles. La France est aujourd’hui isolée dans les institutions européennes. Pire : le Chef de l’État les méprise en tentant d’imposer ses coups de force. Se présenter – avec cynisme – comme le seul rempart contre les europhobes ne suffit plus. Car les actes contredisent les paroles : comment peut-on se présenter comme un démocrate lorsqu’on tente de recaser une personnalité déjà rejetée de son propre Gouvernement pour des affaires d’éthique ? Comment peut-on se considérer comme humaniste lorsqu’on rejette la responsabilité des milliers de morts en Méditerranée sur les États voisins ? Comment se revendiquer « champion de la Terre » lorsqu’on fait voter des accords commerciaux incompatibles avec les objectifs des Accords de Paris ? Comment, enfin, se considérer comme pro-européen, lorsqu’on rejette l’ensemble des mécanismes institutionnels fédéraux ?
Pour Emmanuel Macron, cette affaire restera anecdotique : il a sécurisé le portefeuille qu’il espérait au sein de la Commission Von Der Leyen, et son ou sa prochain.e candidat.e sera vraisemblablement accepté.e.
Pour nous, Radicaux de Gauche, elle montre encore une fois la nécessité, à chaque échéance électorale à venir, de s’opposer à la fois aux europhobes et aux eurocyniques par une alternative crédible et unie à Gauche.
Quentin Michelon
Délégué National Jeunes LRDG