La Syrie tient une place particulière pour la France. Il ne s’agit pas de n’importe quel pays ; elle est un des berceaux de la culture musulmane et du développement de sa puissance politique, elle a connu une histoire riche et mouvementée pour finir par atterrir dans la sphère d’influence ottomane puis, ne l’oublions pas, française jumelée avec celle prévalant au Liban, entre 1920 et 1946.
Cette période fut hélas marquée par une collection d‘erreurs : la France se distingua surtout par ses bombardements (déjà) justifiés par le nationalisme, l’islamisme et une politique de division entre minorités (alaouite, chrétienne, kurde etc.) et d’appui sur certaines d’entre elles.
Après une histoire commune de 25 ans, la période suivante a été marquée par l’association étroite avec l’Egypte (R.A.U.), le fugitif « printemps arabe » et la mainmise terroriste d’une famille alaouite sur le pouvoir central. Il y a eu aussi l’entrée en jeu des gros bras et des puissances régionales qui ont vu dans la position stratégique (à tous points de vue) du pays, de bonnes raisons de s’y installer par annexion (Israël), contrôle et tradition historique (Turquie), équilibre stratégique (Russie, Iran) face à la domination armée américaine. Pour divers groupes islamistes dont celui (nationaliste – islamiste) qui vient de chasser Bachar El Assad, le champ de ruines et les dominations étrangères diverses sont aussi une opportunité pour s’installer et bombarder sous le couvert d’une « légitimité », les uns et les autres en invoquant « la lutte contre le terrorisme ».
Retenons-en que vouloir inféoder les 20 millions de qui n’ont pas dû ou pu émigrer pour échapper à une patrie dévastée par les conflits et torturé par la dictature alaouite ne peut que déboucher sur de nouvelles horreurs pour la population civile avec pour seule issue vraisemblable la mise en place d’un régime incertain ne contrôlant qu’une partie du pays. Le prétexte de lutter dans un pays majoritairement musulman contre une « islamisme » très vaguement défini ou sous prétexte de « démocratie » ne changer rien à cette perspective.
Proposition politique pour la France
Ici comme ailleurs le Président Macron n’a pas de politique si ce n’est celle des lobbies d’armement ou autres. Elle s’indexe plus ou moins sur celle de la lutte « à la Bush » contre l’Axe du Mal et ses grands (Russie, Iran) ou petits (Turquie, Chine) « Satans » vaguement héritée de l’esprit des croisades voire de l’Ancien Testament et du néo-colonialisme. Au lieu de prendre en compte les intérêts des autres états en vue d’accords possibles, elle accumule les filtres et les préjugés puis agit au doigt mouillé sans perspective à moyen et long terme.
Nous, Les Radicaux de Gauche-LRDG, proposons une politique inverse, positive et imaginative, dont la Syrie est un des éléments et constitue une opportunité pour revenir à la raison et à la défense de nos propres intérêts stratégiques globaux, qui sont politiques, économiques et culturels :
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Eviter d’intervenir militairement sans but précis dans un environnement incertain, à la remorque d’une politique américaine qui a dévasté le Moyen-Orient et continue à le faire au prix de dommages humains épouvantables et sans résultats tangibles qui n’auraient pu être atteints par d’autres moyens (par exemple la protection de l’accès aux ressources énergétiques fossiles).
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Eviter le soutien unilatéral à toute minorité (ethnique, religieuse, « politique ») qui ne peut à terme qu’exacerber les tensions comme notre propre expérience en Syrie l’a démontré.
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Accepter le dialogue ou tout au moins les discussions avec toutes les puissances internationales intéressée au théâtre y compris la Russie, la Turquie et l’Iran ou même Israël malgré le comportement inacceptable de son actuel gouvernement adepte du droit du plus fort. Discuter, ce n’est pas accepter un point de vue ou sanctionner positivement un régime, c’est garder ouvertes les portes de la paix et s’éloigner de la politique du pire. C’est aussi ouvrir les possibilités d’autres dialogues sur d’autres sujets.
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Constituer avec certaines d’entre eux (par exemple la Turquie, le Qatar, l’Egypte et des partenaires européens tels que l’Espagne ou l’Italie) une force d’intervention strictement humanitaire mais disposant d’une garantie d’appui conjoint de ces puissances puis accréditer cette force d’intervention auprès du régime en place (ou d’autres en fonction des rapports de force sur le territoire syrien). En effet, étendre au territoire syrien des attitudes de principe plus ou moins justifiées ailleurs, c’est s’interdire d’aider les populations et de redorer notre blason qui en a bien besoin et c’est compromettre à terme, nos intérêts et ceux de la paix.
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Maintenir dans la durée cette politique qui nous accrédite dans les populations, rassure nos interlocuteurs et donne du grain à moudre à nos industries, préparant les investissements de l’avenir, en lien avec ce qui nous reste d’influence au Liban ou en Turquie.
Nous, Les Radicaux de Gauche-LRDG :
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Constatons que le peuple syrien, à l’initiative d’une des organisations de résistance armée, a réussi à mettre à bas la dictature sanguinaire qui l’oppressait depuis de nombreuses années, contraignant de nombreux citoyens à l’exil et bien sûr, nous en réjouissons.
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Pour autant, notons qu’une partie de ce pays est toujours occupée par Israël et que diverses puissances et organisations extérieures (Russie, USA, Israël, Turquie, Daesh « international ») s’y croient toujours autorisées à des actions de force à leur seul gré ou sous le prétexte commode et vague d’anti-terrorisme et que de nombreux réfugiés attendent le retour d’une sécurité minimale pour retrouver leur patrie. Il faut donc aider les populations à reconstruire leur vie locale, à rétablir un gouvernement central politiquement et militairement crédible capable de remettre le pays sur ses pieds ce qui est un objectif à moyen terme.
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Entretemps, proposons que la France agisse selon ses principes et ses intérêts en menant des conversations préparatoires sans exclusive avec tous les pays présents ou intervenant sur le sol syrien et les organisations syriennes préfigurant un nouveau gouvernement. Ces conversations devraient viser à constituer rapidement une force d’intervention humanitaire internationale, dont la sécurité soit garantie, si nécessaire, par une force de protection parallèle.
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Parallèlement, estimons que notre diplomatie pourrait viser à un accord de non-ingérence, de non-intervention armée, d’évacuation des territoires occupés et de lutte commune contre DAESH souscrit par l’ensemble des puissances intervenant sur le théâtre syrien.
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Rappelons que les principes d’une bonne politique étrangère sont, non de servir les intérêts supposés d’autres états ou les chiffres d’affaires d’armements létaux de plus en plus vulgarisés mais ceux de la France à court, moyen et long terme, de façon explicite et contrôlée par notre Parlement et suivie par les media sans qu’on interdise à ceux-ci aucun territoire.
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Affirmons que les événements en Syrie offrent à la France l’opportunité d’un virage pour construire enfin une nouvelle politique extérieure lisible et démocratiquement contrôlée, fondée sur le droit, l’humanité, le savoir-faire de notre réseau diplomatique et d’influence, la puissance et la capacité de déploiement de nos ressources militaires, scientifiques, culturelles et économiques et non l’inspiration et les motivations du seul chef de l’état.